Jour 13 – Repos pour certains, exploration pour d’autres

Aujourd’hui on s’est divisés en deux. Un groupe est resté pour se soigner les pieds et se reposer. Et un autre groupe est parti voir le campement qu’ils appellent le campement « dua » le camp « deux », des personnes qui ont des activités sur la rivière, que ce soit pour les industries du coin, notamment Jhonlin, pour la canne à sucre, ou pour les chasseurs de chevreuil qui sont installés là-haut.

On est partis avec Jamyl et Bagus sur la Lasolo en direction de ce campement. Les chasseurs nous ont indiqué un virage où il y avait supposément le camp, et évidemment il n’y avait pas de camp. On a hésité à continuer d’autant plus que le cours d’eau accélérait un peu, se resserrait, donc on s’est dit qu’on arriverait difficilement à remonter.

Finalement, on s’est dit qu’ils s’étaient peut-être trompés dans la lecture de la carte, et on a vu que sur la carte il y avait un virage plus marqué en forme de S. On est tombés sur le camp quelques minutes plus tard.

On a vu deux pirogues à moteur et on s’est dit : « Yes chouette on va pouvoir remonter comme prévu en pirogue à moteur ! ». Mais avant il fallait négocier… On est montés car le campement était très haut, à 50m au-dessus de l’eau, sur un joli promontoire près d’un champ tout défriché. Plutôt agréable comme spot. Ils ont construit une grosse barraque en bois avec des panneaux solaires, des chambres, une cuisine, des toilettes, et même un énorme buddy qu’ils auraient amené en pièces détachées. Pour l’instant ça ne leur sert à rien il est posé sur des pierres. Mais j’imagine qu’un jour ils vont peut-être se balader dans le coin, espérons que ça soit le plus tard possible.

Il y a quelques vaches dans le champ, un chevreuil dans leur petit parc, quelques poules, quelques chats et 6 ou 7 mecs qui étaient installés là et tous payés par Jhonlin, un énorme groupe indonésien. Ils sont payés depuis 5 ans, à ne rien faire, parce que l’activité prévue de plantation de canne à sucre n’existe pas encore. La concession de Jhonlin couvre toute la zone ouverte qu’on a passé un jour à traverser. Pour l’instant ils font de la capture de chevreuil, mais la zone sera plantée de canne à sucre dans les prochaines années. Ce qui veut dire qu’ils vont faire des routes pour arriver jusque-là, et qu’ils vont donc déforester et défricher tout ce qui peut se trouver sur le chemin.

Dans les prochaines activités de Naturevolution, si on veut protéger la région, il faudra qu’on rentre en contact avec cette boite, et qu’on tente d’obtenir qu’ils ne détruisent pas autre chose que ce qu’ils ont aujourd’hui déjà en concession et au contraire, qu’ils puissent mettre, si possible, la main au pot, et qu’ils aident à financer la conservation du lieu. Parce qu’à la limite, qu’ils fassent de la canne à sucre sur une zone déjà complètement défrichée ou en termes de biodiversité y’a plus grand-chose, ce n’est pas ce qu’il y a de plus grave. En revanche s’ils continuent à ouvrir la forêt, cela deviendrait très problématique.

On a passé un peu de temps à discuter avec des gens-là, ils étaient plutôt sympathiques, le chef était un peu froid, on sentait qu’il n’était pas très à l’aise à l’idée qu’on soit là parce que c’était une propriété privée et qu’il n’avait pas trop le droit. Il nous a fait comprendre qu’il ne voulait pas qu’on diffuse les photos du lieu. Il a répondu à plein de questions, c’était une bonne source d’infos parce qu’il connaît par cœur la rivière depuis petit. Donc il connaissait tous les noms des villages qui existaient autrefois. Chaque fois qu’on lui montrait une petite zone où il y avait des traces humaines, il disait : « Ca c’est des rizières de tel village, ça c’était les réfugiés de machin truc etc. ». J’ai pu lui demander comment on accédait à certains endroits, combien de temps ça prenait, est-ce que ça avait déjà été fait, jusqu’où etc.

Lui aussi posait des questions sur la zone où je pressentais qu’il y ait des vestiges archéo. Et il a directement dit qu’il y en avait partout, des peintures, des os, des tombeaux. Donc c’est cool, les derniers jours d’expé vont être plein de jolies découvertes et de jolies surprises.

Juste avant qu’ils nous invitent à manger, on leur a demandé s’il y avait la possibilité qu’ils nous remontent jusqu’au camp. Ils ont dit « non » direct. Donc on était bien mal parce que ça faisait quand même un bout de chemin, on a mis 1h à descendre, et il y avait beaucoup de courant, parce qu’il avait plu toute la nuit précédente donc l’eau était plus haute et allait plus vite. On s’est dit que remonter tout ça allait être sportif. On a négocié un tout petit peu quand même et ils ont accepté de nous remonter jusqu’à la confluence avec la rivière qu’on a descendu pendant 4-5 jours précédemment. Ils nous ont quand même fait gagner une grosse heure à remonter en pirogue à moteur, après nous avoir offert un joli repas avec du riz et de très bonnes anguilles. C’était très sympa !

Ils nous ont posé sur une petite berge et on a bataillé pour remonter le courant. Parfois ça allait relativement bien et puis la moitié du temps ça n’allait pas bien du tout, il fallait tirer le bateau sur le bord en étant à pied, parfois de l’eau jusqu’à la taille ou bien il fallait lutter carrément contre le courant dans les packrafts en pagayant énormément. Bagus et Jamyl avaient les bras bien fumés à certains moments et ils se sont fait embarquer dans un rapide donc ils ont refait le rapide dans l’autre sens et ont dû recommencer. C’est le jeu de celui qui a le plus de pêche dans les bras pour arriver à aller plus vite que le courant. C’était amusant et en même temps très fatiguant.

Mais on est allés plus vite que prévu, on est remontés de ce spot là jusqu’au campement en 3h30, ce qui était plutôt correct.

On est arrivés à 4h au campement où on a retrouvé Antoine et Ime. On s’est malheureusement rendus compte que Jamyl avait perdu toute la peau des orteils, il n’avait plus d’épiderme, la peau à vif au- dessus et dessous. Antoine a des crevasses qui commencent à apparaître. Jamyl a dit qu’il ne pouvait pas marcher, Antoine a estimé que ça n’était pas faisable non plus et Bagus, sans doute parce qu’il avait mal au pied et aussi sans doute parce qu’il avait un petit peur de se retrouver juste à deux avec moi, a décidé de ne pas y aller non plus.

Donc ce soir c’est le grand questionnement, à savoir est-ce que j’y vais tout seul ou pas du tout. Sachant que j’irai beaucoup plus vite seul, c’est un avantage. Mais il y a aussi un gros risque. S’il m’arrive le moindre truc il n’y a personne pour venir me chercher, personne ne sait où je suis, donc c’est pas dingue, sachant que Garmin, le petit engin qu’on a pour appeler les secours ne marche que quand la zone est découverte, et tout le trajet se fait sous la canopée, donc quasiment aucune chance qu’un message puisse partir. Je me pose toujours la question parce que j’ai très envie d’y aller, pour savoir si ça se fait facilement. Ça fait partie des coins où j’estime que ça serait vraiment bien de faire une expédition et d’amener des scientifiques pour bosser dans cette zone. Mais si c’est pour prendre un gros risque ça n’est peut être pas la peine.

Autre truc assez tentant, c’est que comme on a la garantie maintenant, qu’il y a des grottes, des tombeaux et des peintures, il faut sûrement plus qu’un jour pour explorer l’ensemble des grottes qu’il y a dans le coin. Or nous n’avons plus que 6 jours de bouffe si je me souviens bien. Si on estime que rien qu’en descente il nous faut deux jours et qu’en exploration il nous faut deux jours également pour farfouiller dans toutes les grottes du canyon qui va suivre en contrebas, ça veut dire qu’il y a déjà 4 jours de bouffés et donc il nous resterait deux jours de bouffe ce qui ne me laisserait pas vraiment le temps de faire l’excursion dans la zone humide de Matarombeo. Si j’avais un jour de bouffe de plus je serais un peu plus serein…

Je vais encore réfléchir cette nuit et prendre la décision demain. Tout est prêt, mon sac est prêt, il ne me reste plus qu’à récupérer le hamac et la moustiquaire pour demain si je veux partir.

On a vu plein d’hydrosaures, on en voit tout le temps. J’ai aussi eu la chance de passer à quelques centimètres d’un varan, il avait aussi peur que moi. C’était très chouette, une belle surprise juste derrière un tronc d’arbre. On a vu aussi de jolis oiseaux, il faut d’ailleurs que je prenne des notes…

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