La quête des Hapalémurs

3 décembre 2010

Auteur : Christophe Dumarest (guide haute montagne)

Ce matin avec Evrard et Mathieu un des jeunes caméraman familier du Makay, nous profitons d’un moment de trêve du tournage pour nous échapper une journée. Réflexion, intuition et curiosité certainement mêlés, Evrard souhaite aujourd’hui remonter à la source du canyon principale, un des principaux affluents du petit lac aux crocodiles. Sur toute la première partie de notre excursion, nous jouissons de l’éclairage précieux de Jacky et Charles, botanistes malgaches passionnés et passionnants.

En fin de matinée nos chemins se séparent, nous poursuivons avec Evrard et Mathieu sur des vires vertigineuses au milieu des faces de grès au rocher délité, toujours à la découverte de grottes rupestres et autres poteries. Notre traversée débouche sur une impasse! Nous surplombons un canyon aux pentes quasi verticales… Qu’à cela ne tienne, nous migrons vers le bas à travers une désescalade facile mais parfois exposée.

Les pieds dans l’eau, la tête sous les palmiers, nous découvrons une oasis de verdure luxuriante synonyme de vie. Ces palmiers endémiques constituent la base d’un habitat unique propice à la découverte de nouvelles espèces. Même s’il en parle peu, certainement pour éviter d’être déçu je sais qu’Evrard rêve de découvrir dans cette forêt, une espèce confidentielle de lémuriens souvent nichés au coeur des bambous: les hapalémurs, une espèce bien plus rare et farouche que ses cousins les rufus, propithèques ou lépilémurs.

“La faim fait sortir le loup du bois” et les hapalémurs… A peine avons-nous le temps de sortir notre casse-croûte du sac à dos qu’un premier individu apparaît au cœur des bambous, l’élément le plus essentiel dans l’alimentation de cette famille de primates endémiques de Madagascar. Expression d’enthousiasme entrecoupée de prises de vue difficiles, nos trois “acrobates” sont curieux jusqu’à un certain point. Farouches et méfiants, la séance photo est complexe, la flore très dense nous prive de visibilité. Au téléobjectif, Evrard sauve quelques clichés, mais nous perdons rapidement au cache-cache imposé par nos amis lémuriens. Nous prélevons par chance quelques échantillons d’excréments qui infirmeront ou confirmeront nos observations, même si pour nous il n’y a pas de doute.

Instants privilégiés, la découverte d’espèces rares évoluant en liberté dans leur habitat naturel est un véritable cadeau pour l’explorateur/naturaliste. Toute la lourde organisation, les soucis de gestion, de logistique du voyage et des personnes sont vites oubliés lorsque l’objectif est atteint et le succès au rendez-vous.

Après une localisation GPS et la transmission de la nouvelle aux scientifiques, la suite des évènements s’organisent. Les équipes se constituent en vue des futures observations. Le temps presse pour recenser et observer ces trésors fragiles avant le départ et surtout sous la menace d’une  race redoutable, celle de certains hommes ignorants plus que volontairement nuisibles, mais néanmoins responsables du déclenchement de feux dévastateurs aux conséquences irréversibles dans le Makay.

Mise à jour 2021 : si nous les avons entendus à plusieurs reprises, nous ne reverrons les hapalémurs qu’une seule fois 5 ans plus tard.

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