Un fantôme dans la brousse

24 novembre 2010, sur la piste entre Ranohira et Tsivoky.

Auteur : Christophe Dumarest

Le parcours en 4×4 entre Ranohira et Tsivoky situé aux portes du Makay est chaotique. Seuls de très bons engins et des pilotes expérimentés peuvent oser s’aventurer dans ces territoires sauvages. Les véhicules à moteur sont rares sur cette piste qui relie les modestes villages entre eux.
En revanche, les traces de charrettes à zébus sont nombreuses. Embarcations rudimentaires d’un autre temps, ces plates-formes roulantes sont maniées avec une rare dextérité par les malgaches.
Autres traces remarquables sur la piste, mêlées à celles des sillons fins des roues de charrettes, celles des troupeaux de zébus. Premier signe de richesse des familles et par extension du village, l’élevage de zébus est une des activités majeures du pastoralisme local. A l’image du bœuf, du chameau ou du renne dans d’autres contrées, il est précieux du sabot jusqu’à la corne. Le troupeau symbolise l’épargne par excellence et les zones de pâturages sont d’ailleurs appelées «la banque» par les malgaches.
Malheureusement responsable de la majorité des feux de brousse, l’élevage de zébus provoque de véritables catastrophes écologiques. La terre est volontairement incendiée afin d’éviter au bétail des blessures aux yeux par les longues herbes dures. Il sert également d’engrais aux jeunes pousses, mais à quel prix ! Le temps presse pour qu’une démarche éducative en profondeur s’instaure auprès des plus jeunes et dans les écoles si l’on veut éviter que les dernières espèces rares de «l’Ile Rouge» ne disparaissent définitivement en fumée.
Ce soir encore avec Max, notre chauffeur et responsable d’une grosse partie de la logistique, nous croisons un troupeau sur la piste, loin de tout. Max semble étonné de cette rencontre et à peine avons-nous le temps d’apercevoir un jeune garçon en tee-shirt jaune qu’il disparaît en un éclair. Il se volatilise dans une forêt sèche inextricable aux ronces agressives. C’est un «dahalo», un voleur de zébus qui risque gros. La justice de brousse est rudimentaire, expéditive et sans état d’âme. Si ce voleur est attrapé par le village «adverse», son exécution est quasi assurée. Aujourd’hui, par chance sa vie est sauve, son corps simplement marqué par les stigmates de la forêt lors de sa fuite.
Un sursis précaire jusqu’à son prochain larcin, jusqu’à la prochaine mauvaise rencontre.

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