Projet Refuse Plastic – L’exemple du village de Talia

La sensibilisation et l’éducation

« Reduce, ReUse, Recycle ! »

NEI intervient à la fois auprès des communautés locales, des écoles et des universités. La sensibilisation porte principalement sur la compréhension des méfaits liés à la pollution plastique, sur les solutions simples qui peuvent être mises en place au quotidien (réutilisation de contenants par exemple) et sur l’importance du tri des déchets afin de permettre leur recyclage. Lorsque cela est possible, l’action est jointe à la parole à travers des sessions de nettoyage ou par la mise en place de bank sampah (banques de déchets).

Setiawan reçoit également beaucoup de visites à son atelier : des élèves, des étudiants mais également des compagnies et des membres du gouvernement. Il participe aussi à des évènements et à des conférences qui sont à chaque fois des opportunités de présenter son travail et de proposer des actions concrètes à mener pour améliorer la situation.

En 2023 ce ne sont pas moins de 100 actions de sensibilisation qui ont été réalisées pour 500 heures sur le terrain. Cette campagne a touché plus de 5000 adultes et 1000 enfants de la région de Kendari et des zones côtières proches.

Ce sont également 1300 gourdes qui ont été offertes par une entreprise minière locale et deux évènements en lien avec l’environnement et la pollution plastique qui ont eu lieu dans des écoles.

L’ambition du programme est grande et voudrait pouvoir sensibiliser toute la population de Kendari et des villages alentours pour ensuite s’étendre à toute la province de Sulawesi du sud-est. Pour cela, NEI a besoin de soutien et s’emploie donc à essayer de faire participer le gouvernement à sa démarche mais l’engagement des autorités locales est notamment rendu difficile par les problèmes de corruption.

Les bank sampah

Les bank sampah sont à la fois des organisations et des lieux de dépôt des déchets triés et valorisables en vue de leur achat et de leur collecte par les filières du recyclage. Ce sont donc des moyens de combiner dépollution plastique et source de revenus additionnels.

  • Sampah goes to village

Depuis le début du projet en 2022, ce sont plus de 50 bank sampah qui ont été créées par NEI dans les environs de Kendari. La plupart sont situées au sein de villages et gérées par les communautés locales. Au départ, la priorité était de se concentrer sur les zones critiques telles que les villages côtiers afin qu’ils jouent le rôle de sentinelles de la pollution marine. Le projet s’est ensuite étendu au reste du secteur de Kendari. Les habitants ont été formés au tri des déchets: PET, plastiques durs recyclables, cartons, papier, métal (aluminium et autres) et verre sont mis de côté pour être recyclés. Ils sont ensuite stockés dans des bank sampah et sont collectés soit par NEI, soit par un autre intermédiaire du recyclage (bank sampah les plus indépendantes). Les déchets sont pesés et achetés et l’argent est redistribué à chaque contributeur apportant ainsi un revenu complémentaire aux habitants mais surtout aux habitantes. Finalement, la collecte et la gestion des déchets sont majoritairement réalisées par des femmes (90% de femmes) dans la plupart des bank sampah communautaires. Beaucoup sont soit des femmes de pêcheurs, soit des femmes divorcées ou veuves.

L’exemple de Talia

Quand s’allient réduction des déchets et autonomisation des femmes

L’un des premiers villages formés par NEI est Talia (sous-district d’Abeli). C’est un village côtier situé à l’extrémité Est de Kendari, à l’embouchure de la baie qui donne sur la mer de Banda. Ce village, comme la majorité des villages du secteur, était submergé de déchets notamment plastiques. L’ensemble des déchets du village étaient soient brûlés soit déposés dans des TPS, c’est-à-dire des lieux de dépôt des déchets pour qu’ils soient collectés par les camions de Kendari pour être enfouis dans la décharge municipale. L’activité économique principale du village est la pêche et est majoritairement pratiquée par les hommes. Ceux-ci sont confrontés au déchets plastiques en mer provenant essentiellement de la ville de Kendari. De nombreuses rivières sont utilisées comme déchetterie et à chaque orage, les plastiques dévalent les rivières et les routes de la ville pour finir dans la mer. Talia étant située à l’embouchure de la baie de Kendari, c’est un des endroits les plus touchés par le dépôt de ces déchets.

En fin d’année 2022, trois bank sampah ont été créées à Talia. La plus importante et collective est gérée par l’Ibu RT, la femme du chef du village. Deux autres bank sampah sont gérées par des femmes seules qui collectent et revendent directement les déchets.

Concernant la principale bank sampah, le village ne possédant pas de véritable lieu de stockage collectif des déchets, ceux-ci sont déposés devant la maison de l’Ibu RT et dans la ruelle adjacente. Ibu RT est en charge de l’organisation de la collecte des déchets, de leur revente et de la distribution de l’argent aux personnes impliquées dans la collecte. Cette bank sampah est connue et a un certain succès même en dehors des frontières du village mais le manque d’espace limite la quantité de déchets stockables. Ces derniers proviennent de la consommation ménagère des habitants mais aussi de la collecte sur la plage ou en mer.

Une des deux autres bank sampah est gérée par une femme divorcée, travaillant seule et vivant avec son petit-fils. Elle ne collecte que les déchets en mer. Elle avait son propre bateau pour pêcher, mais celui-ci n’étant plus opérationnel, elle emprunte le bateau de sa sœur pour collecter les déchets. Elle a travaillé 5 ans pour une compagnie de transformation de poissons mais dès qu’elle a réalisé qu’elle pouvait vivre en créant une bank sampah, elle a préféré arrêter son travail et s’est mise à collecter des déchets et à les revendre. Cela lui a permis d’améliorer considérablement son salaire et ses conditions de vie. Cela lui permet également de rester chez elle et de payer pour des travaux de rénovation de sa maison. Actuellement, elle gagne environ 1 million de roupiah (60€) par semaine en revendant 300kg de déchets. Elle se préoccupait déjà de la question des déchets avant mais n’avait pas d’outils pour régler le problème ni la connaissance pour faire le tri. Désormais, elle est complètement autonome sur le sujet, il ne lui manquerait qu’un nouveau bateau pour ramasser bien plus de déchets.

La collecte et la gestion des déchets sont donc majoritairement réalisées par des femmes (90% de femmes) dans la plupart des bank sampah communautaires. Ces femmes de pêcheurs, divorcées ou veuves, restent le plus souvent à la maison pour s’occuper du foyer et des enfants. Cette nouvelle activité leur est bénéfique sous plusieurs aspects : elles ont gagné en indépendance, elles ont un revenu complémentaire et se sentent fières à la fois d’avoir gagné en autonomie et de participer à une action environnementale.

A Talia, au début du projet, les hommes du village s’opposaient à l’idée que leurs femmes travaillent avec les déchets. Leur jugement a évolué lorsqu’il ont compris que c’était un important soutien financier et que cela avait un impact positif sur le village et sur leurs activités de pêche. En effet, une partie des déchets collectés le sont sur la plage ou en mer, lorsque des bateaux sont disponibles pour les femmes. Ainsi les pêcheurs de la zone ont vu la différence : ils pêchent plus de poissons qu’avant et remontent moins de plastiques dans leurs filets.

Talia est actuellement l’un des villages les plus indépendants pour la collecte et la revente des déchets. La raison de cette réussite est probablement lié à l’engagement de ces femmes. D’autres villages nécessitent un suivi beaucoup plus régulier et ont du mal à se départir de NEI pour les aspects logistiques.

Actuellement, Naturevolution réalise des démarches afin que le village de Talia et d’autres villages côtiers alentours puissent avoir un bâtiment pour stocker leurs déchets et des petits bateaux pour aller collecter plus de déchets en mer.

Des bank sampah pas comme les autres

A la bank sampah du village de Watuwatu, un marché aux déchets est tenu une fois par semaine. Ainsi la bank sampah rachète les déchets aux habitants des quartiers/villages alentours puis les revend aux intermédiaires.

Avec un aspect plus collectif, le village de Umpungeng-Lalodati utilise l’argent de la vente pour payer l’électricité du village.

  • Sampah goes to school / to university

Mais les bank sampah ne se déploient pas seulement dans les villages, les institutions scolaires sont aussi sollicitées. Chaque sensibilisation est l’occasion de proposer la mise en place d‘une bank sampah afin d’apporter une solution concrète en plus du discours de prévention.

Elles sont aussi parfois l’occasion d’inventer de nouveaux modèles économiques et sociaux.

Ainsi, une école privée de Kendari (Al Mahabbah Islamic School) permet aujourd’hui aux élèves de payer leur frais de scolarité en apportant des déchets. Plusieurs élèves en sont déjà bénéficiaires.

De plus, deux facultés de Kendari (universités UHO et IAIN) possèdent des bank sampah gérées par les étudiants. L’une d’entre elle (IAIN) permet aux étudiants de laisser l’argent des déchets à un fond commun qui sert à aider les étudiants les plus en difficultés. Les étudiants ont aussi accès à un prêt à taux zéro qu’ils peuvent rembourser avec les déchets.

  • Sampah goes to office

Plusieurs offices gouvernementaux de la ville de Kendari ont créé des bank sampah. A l’Office de l’Environnement et des Forêts (DLHK), les employés peuvent choisir d’acheter de la nourriture avec l’argent des déchets ou d’avoir un complément de revenu. Un des objectifs de NEI serait d’étendre ce système aux communautés villageoises en développant des coopératives dans lesquelles les déchets seraient troqués contre de la nourriture à des prix concurrentiels de ceux du commerce. En 2023, il y a eu plus de 200 collectes de NEI dans les villages, une cinquantaine dans les offices gouvernementaux et une quinzaine dans les écoles et universités.

Découvrez ce projet en détail

Prévention de la pollution océanique et recyclage des déchets à Sulawesi

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