Un animal étrange vu au microscope électronique

Bonjour à tous,

nous avons l’habitude de vous partager des images prises sur le terrain du Makay. Cette fois, nous vous proposons quelques images qui ont été prises bien loin de nos montagnes favorites mais qui, de notre point de vue, sont tout aussi belles que des paysages ou des animaux dans leurs milieux naturels.
En novembre dernier, Beau, notre pilote d’hélicoptère a collecté par curiosité à deux pas du camp de base sur la rive de la rivière Menampandaha un spécimen animal tout à fait étrange.

Nématomorphe du massif du Makay, Madagascar

Ressemblant grosso modo à un long spaghetti noir, assez dur et entortillé sur lui-même, il fascina tout le monde dès son introduction dans le camp. Représentant répugnant de la biodiversité pour certains, les hypothèses allèrent bon train. Notre parasitologue Anne Laudisoit lança même un petit jeu en interne pour voir qui d’entre nous s’approcherait le plus de la vérité.

Après quelques recherches, elle sut dès le mois de janvier qu’il s’agissait d’un individu de l’embranchement des Nématomorphes, c’est à dire des vers non-segmentés au corps cylindrique, extrêmement longs et fins. Leur tête est de même largeur que le corps. Ils mesurent en moyenne de 0.5 à 2.5 mm de diamètre pour 10 à 70 cm de longueur et se rencontrent dans tous les environnements aqueux : eaux douces, eaux salées, terres humides. Elle détermina également sa classe – Gordicaceae – car ils forment des nœuds avec leur corps qui semblent ne jamais pouvoir se défaire rappelant les nœuds gordiens. Mais pour aller plus loin, elle l’envoya pour analyse au spécialiste de ces animaux, le professeur Andreas Schmidt-Rhaesa de l’université de Hambourg.

Ce dernier confirma quelques temps plus tard qu’il s’agissait d’un vers parasite, et, qu’il parviendrait peut-être à l’identifier à l’aide d’un microscope électronique à balayage.

Cuticule de Nématomorphe du massif du Makay, Madagascar, grossissement X 100

En effet, la cuticule épaisse qui le protège et que l’on voit notamment sur ces photos est composée de nombreuses structures appelées aréoles – qui font dans notre cas à peine 10 microns de diamètre chacune – et la forme de ses aréoles est en général un critère de détermination de l’espèce. Il se pencha rapidement sur cette analyse et en sortit ces clichés exceptionnels.

Cuticule de Nématomorphe du massif du Makay, Madagascar, grossissement X 600

Malheureusement Andreas nous expliqua alors que plusieurs genres pouvaient avoir le même type de formes d’aréoles, qu’il ne pouvait pas en l’état terminer la description de l’espèce et qu’il avait besoin d’un autre individu mâle. Notre seul espoir dans l’immédiat réside donc dans notre « criquet lover », Sylvain Hugel. Pourquoi ? Tout simplement parce que ce ver parasite a une vie compliquée dont un des stades passe par l’intestin des criquets. Les adultes ont en effet une vie libre tandis que les larves sont systématiquement parasites d’un arthropode ou d’un hirudinea. La larve rentre dans la cavité corporelle de l’hôte à l’aide d’une trompe munie de crochets. Elle s’y développe et, une fois la métamorphose effectuée, un adulte vermiforme finit par sortir.

Cuticule de Nématomorphe du massif du Makay, Madagascar, grossissement X 2000

Le seul moment où ils sont visibles est donc lors de la reproduction car sinon ils sont cachés dans les hôtes qu’ils parasitent. Nous espérons trouver ce fameux parasite dans l’un des croquets ramenés du Makay par Sylvain. Ce serait formidable car nous aurions alors une superbe histoire équivalente à celle contée dernièrement par le même Sylvain sur France Info, à propos de l’orchidée et de la sauterelle.

Cuticule de Nématomorphe du massif du Makay, Madagascar, grossissement X 4600

Mais il y a encore autre chose de plus incroyable au sujet de cet animal. Dans le cas d’un hôte terrestre, la larve peut arriver, par un moyen encore inconnu, à le manipuler pour le faire rejoindre un point d’eau. Sous-entendu, elles sont capables de pousser leur hôte, en particulier de gros arthropodes tels que les criquets et grillons, au suicide par noyade pour retrouver leur milieu d’eau douce dans lequel ils vont pouvoir se reproduire et pondre. Cette vidéo est éloquente :

Vidéo (des vers parasites poussent leur hôte au suicide)

Un grand merci à Anne Laudisoit, à Andreas Schmidt-Rhaesa et à Beau pour cette belle découverte.

Pour en savoir plus :
http://www.qm.qld.gov.au/Learning+Resources/~/media/Documents/Learning%20resources/QM/Resources/Fact%20Sheets/fact-sheet-gordian-worms.pdf

5 réflexions au sujet de « Un animal étrange vu au microscope électronique »

  1. Vraiment, sans aucune arrière pensée, ni idée reçue, je pense qu’il faut que nous retournions sur le terrain à la recherche de nouvelles « créatures ». Je pense même qu’il faut y passer plusieurs mois ;-)

  2. Réponse d’Andreas:
    The white secretion you mention may indeed be eggs. The form of the eggstring may vary, but comparative data for this are too scarce to be of value for identification.
    I am optimistic that you´ll catch other specimens.
    Best wishes,

    En clair, ça ne suffit pas. Il faut soit un coup de chance pour que Sylvain trouve le mâle dans un de ses criquets, soit y retourner.

  3. Après lecture du document, il me revient en mémoire que lorsque la bébête était encore vivante et enfermée dans son bocal, elle avait sécrété un long filament blanchâtre. Si c’était une femelle, ça pourrait bien avoir été des oeufs. Je ne sais pas si Anne avait également conservé ces sécrétions dans l’alcool, mais si oui, y’a peut-être moyen d’améliorer l’identification avec.

  4. Chic ! On sait enfin ce qu’est la « créatuuuuure » (dans les grandes lignes du moins). Ca a l’air d’une bestiole aussi sympathique que son aspect le laissait envisager…

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