Miel du Makay – Blog Episode 3 – Mai 2023

Suivez le projet « Miel du Makay » en accompagnant le responsable de projet dans ses déplacements et missions sur le terrain.

Le lièvre et la tortue 

La récolte du Sud faite, il est temps de s’occuper de la récolte dans le Nord. C’est encore une fois un déplacement en équipe pour tirer parti du 4×4 et traverser les différents villages du Makay afin d’y transporter du matériel plus facilement. C’est aussi l’occasion de voyager ensemble et de s’entraider dans les projets et sur la route. De plus, la saison sèche a commencé à s’installer et les pistes deviennent plus praticables. L’optimisme nous gagne. Il en faut pour travailler dans cette région !

Après une petite journée relativement tranquille, nous arrivons à Morafeno. Sur ce village, comme les suivants jusqu’à Tsarahonenana, il n’y a pas de ruchers, alors nous prêtons main forte aux autres projets, notamment pour le potager qu’il faut agrandir et réorganiser.

Nous rejoignons ensuite Tsivoko à pied. Le 4×4 nous rejoindra plus tard dans la journée avec une mauvaise nouvelle : le mode 4 roues motrices est cassé ! De mauvais augure pour la suite. Ce village fait partie des plus centraux, et donc reculé. Tellement reculé que même les téléphones de brousse ne fonctionnent pas… Ou presque. Sous 2 arbres, il y a des cordelettes désignant le petit centimètre carré où on attrape le réseau. Si on se décale légèrement, on le perd. La chose se joue vraiment à quelques centimètres, alors il faut parfois faire la queue pour être à la bonne place. Imaginez la joie de la première personne ayant découvert que le réseau était disponible pour le village à cet endroit ! On retrouve la même chose vers l’école du village.

Corde pour capter le réseau à Tsivoko

Nous partons ensuite pour Tanamary en 4×4, le surplus de matériel nous devançant en charrette à zébus. Nous la rattrapons rapidement jusqu’à… Jusqu’à ce lit de rivière qu’il faut traverser 3 fois. Le chauffeur s’élance, suit bien les traces des multiples passages de charrette, puis, au moment de passer sur l’autre rive, il décide de continuer sur le lit de la rivière au lieu des traces. Quelques mètres plus tard, c’est un tankage en bonne et due forme. Nous plaçons des branchages, des bois, tout ce que nous trouvons pour rétablir l’adhérence. Rien n’y fait. Pire encore, chaque tentative enfonce un peu plus le 4×4 ! 2 heures durant, nous essayons de trouver une solution pour finalement se faire rattraper par la charrette de matériel, notre salut ! Nous attelons les zébus au 4×4 et après 2 essais, nous arrivons enfin à extraire la masse. Heureusement, les 2 autres traversées se passeront bien mieux. Enfin, après quelques autres petites péripéties, nous arrivons au village. Les charrettes sont déjà là !

Nouvelle journée, nouveau départ. Nous partons cette fois vers Tsarahonenana. La distance est bien plus longue et, comme les jours précédents, le chemin n’est pas facile. Nous posons de multiples fois le pont du 4×4 sur les profondes ornières creusées par les tracteurs lors de la saison des pluies. Faisant partie des premiers cette année à faire le trajet en 4×4, nous avons le « privilège » de rendre la piste carrossable. Des coups de pelles, de barre à mine, de haches, toute la journée et nous voyons la nuit pointer le bout de son nez, ce qui ne simplifie pas la lecture de la piste par le chauffeur. Évrard lance alors : « Ça pourrait être pire, il pourrait pleuvoir ! ». Il suffisait de le demander pour qu’une petite pluie nous salue. Pas question de rester dans la voiture pour autant quand nous nous coinçons, car plus nous attendons, plus l’état de la piste se dégrade. Couverte d’une couche de poussière, elle n’a besoin que de très peu d’eau pour devenir une patinoire. Nous arriverons vers minuit bien fatigués !

Tourne tourne tourne

Après toutes ces difficultés routières, il nous en reste une dernière pour atteindre Sakoazato et procéder à l’extraction du miel de toutes les hausses. Avant cela, nous allons récupérer celles du village de Tsarahonenana avec Tsinjo (un des apiculteurs du village) pour les charger dans le 4×4 et les amener là bas.

À Sakoazato, nous rejoignons Christian et Justin. Ils sont partis la veille au rucher de Belambo pour récupérer les quelques hausses de miel à l’aide de 4 autres porteurs. Ce rucher n’est pas accessible en 4×4 et, après une tentative infructueuse les années précédentes, il n’est pas possible de ramener les hausses en charrette, la piste est bien trop mauvaise et tout arrive en miette au village. Leur journée fut aussi une épreuve, l’aller retour faisant 30km pour environ 7-8 heures de marche, surtout avec le retour chargé des cadres de miel répartis entre les porteurs. Il faut imaginer porter une ruchette d’une bonne dizaine de kilos, tantôt sur l’épaule, tantôt sur la tête pendant 15km. Le tout de nuit pour profiter de la fraîcheur qui n’est pas de trop au vu de l’effort à fournir. Ce miel se mérite !

Gants aux mains, charlotte sur les cheveux, sourire au visage, nous débutons l’extraction. Après avoir désoperculé au couteau, nous glissons les cadres dans le petit extracteur. Il peut traiter seulement 4 cadres à la fois contre les 12 de l’extracteur du Sud. Les hausses et les cadres s’enchaînent tant bien que mal et nous notons une différence de couleur entre les miels des villages (très clair) et le miel de Belambo (très foncé). Des analyses ultérieures montraient un miel à forte dominance de jujubier (45%) dans le miel des villages. Mais alors, quel est le miel à Belambo ? Grâce à notre partenaire La Compagnie du Miel, nous lancerons une analyse pollinique qui montrera une dominance de Bismarckia (47%) (palmier), puis jujubier (17%) et tamarinier (12%).

Après 5 heures de dur labeur pour une cinquantaine de cadres, nous arrivons au bout de la première partie de l’extraction à 21h. Un petit repas pour célébrer cette récolte, une douche bien fraîche à la rivière et nous partons vite nous coucher.

Le lendemain, nous nous attelons au traitement des opercules de cire découpées. Elles sont encore pleines de miel, il serait dommage de perdre tout ça, mais ici, point de matériel, le pressage se fait à la main. La cire restante, celle des opercules, a été produite cette année par les abeilles, elle est donc de bonne qualité. Nous la conservons pour la fondre afin de fabriquer de nouvelles cires gaufrées pour la prochaine saison. Ces dernières permettent de fournir une base de travail aux abeilles et aident à avoir une bonne organisation, comme nous plaçons nous-mêmes ces cires sur les cadres, cela évite les constructions parfois hasardeuses.

Pendant ce temps-là, nous mettons les cadres extraits à lécher. Les extracteurs ne retirent jamais 100% du miel et les conserver en l’état est difficile pour nous compte tenu de l’environnement. Les fourmis, les papillons et autres rongeurs en feraient un festin. L’idée est donc de laisser les cadres dehors pendant une journée en donnant accès aux abeilles. Elles viendront alors prélever les restes pour les ramener à la ruche. Quelques heures après avoir mis les hausses à l’extérieur, la colonne de hausses vrombit d’abeilles !

Il y a 2 précautions à prendre avec cette méthode :

  • Les abeilles de toutes les ruches vont se côtoyer et s’échanger leurs potentielles maladies, parasites, etc. Si le niveau sanitaire du rucher n’est pas égal, on peut finir par contaminer tout le monde.
  • Faire attention au pillage. Donner des hausses à lécher peut motiver les abeilles à ensuite aller chez les ruches voisines un peu faibles pour les dépouiller de leur réserve. Par prudence, nous ne mettons pas la colonne à l’intérieur du rucher, mais à quelques centaines de mètres. Et de manière générale, le comportement de pillage n’a encore jamais été vu ici.

À la fin de la journée, un 4×4 de brousse qui fait des allers-retours entre Malaimbandy et Mandronarivo s’arrête dans le village. Plus de puissance. Évidemment, il n’y a pas de garage, mais les chauffeurs ont l’habitude de se déplacer avec un mécanicien, au cas où. Les trajets ne sont pas simples pour eux non plus, car les sièges sont réservés aux voyageurs. Pour les mécaniciens, c’est le coffre, ou debout sur le pare-chocs arrière, ou encore sur le toit avec les bagages.

Démontage complet du moteur au milieu de la brousse

Sursaturation et cristallisation

À la fin de la journée, la récolte et ses activités annexes sont définitivement terminées avec l’envoi des bidons de miel chez notre partenaire La Compagnie du Miel à la capitale Antananarivo. Là-bas, ils vont laisser décanter le miel pour retirer les ultimes débris de cire et le filtrer une dernière fois pour enfin le mettre en pot. Cette mise en pot, justement, est une opération bien plus délicate qu’elle ne le laisse imaginer. Il s’agit de bien préparer le miel pour qu’il garde sa texture le plus longtemps possible (sans altérer le miel évidemment) et de retarder la cristallisation. Néanmoins, il n’y a pas de mystère, la cristallisation finira toujours par arriver et c’est tout à fait naturel, car le miel est sursaturé en sucre à température ambiante.

Petit rappel de physico-chimie : plus un mélange d’eau et de sucre est chaud, plus on pourra dissoudre le sucre à l’intérieur avant que la solution n’arrive à saturation. Lorsque que cette solution baisse en température, elle deviendra sursaturée en sucre. Le miel est sujet à ce même phénomène, car composé majoritairement de fructose et de glucose. Dans la ruche, le miel est stocké à environ une trentaine de degrés et il est liquide, mais lorsque nous le stockons à la maison, il n’est plus qu’à une vingtaine de degrés et devient sursaturé. C’est à ce moment que la cristallisation du sucre va débuter. Pourquoi certains miels durcissent plus rapidement que d’autres ? C’est une question de proportion entre le fructose (plus soluble) et le glucose (moins soluble). Un miel riche en fructose, comme l’acacia (Robinier), restera plus facilement liquide. À l’autre extrême, un miel riche en glucose, comme le colza, peut cristalliser en quelques jours. D’autres paramètres encore impactent cette cristallisation (taille du pot, viscosité, impuretés, etc).

Des invités pas invités 

Il est grand temps de s’occuper de nos abeilles et en particulier de l’état sanitaire.

Lors des visites, nous prêtons particulièrement attention au Varroa Destructor, « Varroa » pour les intimes, ce petit acarien qui vient se nourrir, littéralement, sur le dos des larves, nymphes, et abeilles adultes. Il a été identifié pour la première fois à Madagascar en 2009 et est déjà dans le Makay depuis quelques années. Alors même qu’aucun transfert d’abeilles, à notre connaissance, par l’homme n’a été fait entre le massif et les autres régions de l’île. Probablement que le caractère nomade d’Apis mellifera unicolor a participé à sa rapide propagation.

Pour notre part, nous en avions déjà constaté les semaines précédentes, mais les moyens de lutte que nous avons à disposition actuellement ne peuvent être utilisés lorsque les hausses sont posées pour des raisons sanitaires. Il a fallu prendre son mal en patience et accepter l’augmentation de la population de ce parasite. Aujourd’hui, la récolte étant terminée, nous pouvons enfin rendre la monnaie de sa pièce au Varroa !

À Sakoazato, l’infestation est totale, toutes les ruches sont contaminées. À Tsarahonenana, seulement la moitié, mais il faudra tout de même tout traiter, car les abeilles et les parasites circulent. Ce n’est qu’une question de temps avant que les autres soient contaminées aussi.

À Belambo, en revanche, point de varroa, mais une population de coléoptères Aethina tumida qui a largement augmenté depuis le mois de mars et une baisse anormalement rapide du stock de miel. Le coupable semble tout désigné. Cette mauvaise nouvelle condamne malheureusement ce rucher qui accumule trop de difficultés (éloignement par rapport au village, vol de miel, forte présence de parasites, humidité élevée venant à bout du matériel).

Nous concluons ce déplacement sur le terrain d’un mois et demi par la mise en place de systèmes de notation pour assurer un suivi individualisé des ruches. Cela permet aussi au responsable de mieux guider les apiculteurs sur les diagnostiques en lisant l’historique de la colonie. Pour un bon diagnostique, la temporalité des évènements est importante et pour une population qui vit au jour le jour, il est parfois difficile d’avoir des explications claires sur l’ordre des évènements observés.

Cela nous permettra aussi d’analyser les essaims qui se comportent le mieux pour essayer de reproduire ces essaims entre eux et faciliter le travail des apiculteurs.

Poursuivez votre lecture

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

un × trois =