Bivouac au bout du monde

9 décembre 2010

Auteur : Anne Laudisoit (parasitologue)

Enfin seules.
Enfin seules au milieu de ce canyon aux palmiers qui ravissent les explorateurs et ravissent les
clichés à tous ceux dont le regard se pose sur leur coiffure tantôt hirsute , tantôt classique et bien rangée, frange au milieu, et vert puissant.
Déclinaison des verts,
Des bambous aux roseaux, vert pomme.
Des feuilles rondes de la cime des grands arbres aux buissons olives.
Des épines de Pachypodium qui tels des pieds d’éléphants descendent le long des pentes au vert bouteille de ces lianes innommables qui nous servent de corde.
Dégradé des couleurs, des tons, des intensités, des sons qui coassent ou crient en grondant.
Marigot, marécage, boueux à souhait, stagnant à vous sucer les chaussures jusqu’au coton de vos bas, poisseux à vous teindre les pieds de mycoses rampantes, et vous lacérer jusqu’à la chair d’un coup de lame végétale, discrète, indolore…
Univers d’eau, d’ombres, de palmes et de lumières, calmes, étrangement calmes, seuls peut être les yeux des araignées qui les trahissent de nuit et ceux hypnotisés des crocodiles qui se jouent des acteurs à leur poursuite depuis quelques jours en vain…

(Lendemain matin)
Enfin seules.
Enfin seules pour poser nos hamacs là au fond du canyon entre les palmiers et commencer à travailler, poser des pièges, écouter chanter les grenouilles, guetter les lémurs, cuisiner un chapati sur un feu de bois lançant ses flammes aux étoiles timides…la pluie et l’orage menaçait mais seules quelques gouttes se faufilèrent jusqu’à nous.
Malheureusement pas de microcèbes ni de serpents au cours de la prospection de notre transect de nuit, mais le cri de l’Hapalemur pour s’éveiller sous un ciel radieux et l’envie de rester là au fond de cette plage d’un autre style pour une éternité…

Relevé des pièges et surprise à retardement
Relevé des pièges, bref coup d’œil sur les animaux capturés, Rattus rattus, le rat noir introduit et ayant colonisé toute l’île jusqu’ici dans le fin fond du Makay
Deux autres pièges contiennent des Eliurus, des petits rongeurs endémiques, essentiellement arboricoles, évincés par les rats noirs mais tenant tête à l’envahisseur…
Surprise au camp
Après anesthésie, le premier Eliurus capturé ne correspond à aucune des espèces décrites dans le livre de référence. Il se rapproche de Eliurus penicillatus dont l’aire de distribution de limite à deux points sur la carte de Madagascar. Les deux sites où ces rongeurs sont recensés sont plutôt situés à l’est du pays et non au cœur ouest où nous nous trouvons. Le rongeur capturé a la silhouette classique d’un Eliurus dont la queue est terminée par un plumeau…sauf que le plumeau est blanc, tout blanc, et couvre le tiers distal de la queue.C’est un Eliurus de grand taille, au corps long de 177mm, la queue de 202mm et pesant 132gr ! On pourrait même penser qu’il s’agit d’un hybride entre un Eliurus myoxinus et un Rattus rattus tellement leur taille, poids et pattes arrières se ressemblent. Nous en saurons plus à Antananarive lorsque nous montrerons le specimen au spécialiste des mammifères malgaches Stephen Goodman.

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