Au rythme des éléments

Texte de Christophe Dumarest, guide de haute montagne.

Notre découverte d’hier avec Bill, électron libre du camp de base et Igor l’un des grimpeurs de l’équipe fait aujourd’hui au camp de base des envieux. En effet, a l’issue d’un cheminement complexe au coeur de canyons inextricables, notre exploration nous fit déboucher par chance sur les bords d’un plateau sauvage.

Canyon
Aujourd’hui c’est avec Bérangère le bras armé d’Emeric et d’Evrard et Bruno le médecin de l’équipe, que nous empruntons à nouveau le fond humide de ces canyons aux formes psychédéliques. À peine arrivés sur le plateau, un ciel menaçant nous encercle et induit une atmosphère oppressante en décalage avec l’harmonie des lieux. L’objet de notre excursion est la visite d’une grotte rupestre découverte la veille en compagnie de Bill et Igor. Après seulement quelques instants de contemplation, émerveillés par une telle découverte, c’est un ciel noir, chargé d’eau qui s’abat sur nous. Aux premières loges, assis a même le sol dans notre caverne, nous profitons du spectacle, impressionnés par le déploiement des éléments: éclairs, tonnerre et pluie transforment de manière grandiose le paysage.

La simple pensée de nous imaginer au fond des canyons parcourus le matin même me glace le sang et met en lumière le caractère engagé de telles excursions.

Qu’a cela ne tienne, nous attendrons le soleil…Un soleil, qui cet après-midi ne viendra pas. À seize heures, horaire limite pour nous permettre un retour de jour, le temps est toujours menaçant. Pour moi il n’est pas question de prendre le moindre risque. Le bivouac s’impose et nous nous apprêtons tous les trois à passer une nuit dans des conditions spartiates, la radio, la pharmacie et le GPS ne remplaceront pas l’absence de nourriture et l’oubli du briquet, dont je porte la responsabilité.
Grotte
À l’image des précédents occupants, nous tentons de faire du feu de manière mécanique, évidemment sans succès. Absorbés et en pleine activité, c’est Bruno le premier qui entend le fracas des pales d’hélicoptère. Nous sortons en courant à la rencontre du monstre qui nous cherche.

Evrard et Bill sont là, souriants, soulagés de nous retrouver sain et sauf et quelques minutes plus tard après un saute-mouton céleste, nous sommes au camp de base, encerclés par les amis et au coeur de toutes les discussions. Inquiets de notre absence prolongée c’est tout le camp qui commençait à imaginer le pire.
Heureux de mettre fin aux inquiétudes de chacun et de pouvoir manger chaud, nous regrettons secrètement de n’avoir pu vivre jusqu’au bout ce bivouac minimaliste, perdu au coeur du monde dans notre caverne sans âge.

Forêt des Murmures

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