La négociation

Premier vol au-dessus de Tsivoko en paramoteur lors de l'expédition Naturevolution dans le Makay à Madagascar

Vendredi 8 janvier 2010

Plusieurs actions en simultané ont eu lieu ce matin et tout est allé très vite.

Pendant que Julien, le pilote du paramoteur, préparait son engin pour le décollage afin de filmer les premières images aériennes du village (l’idée est de réussir à filmer la sortie du village par la colonie de porteur), au centre du village, régnait une activité bouillonnante.

Max, Fredo et Evrard ont poursuivi la négociation avec les porteurs. Igor s’est chargé du conditionnement des sacs et des membres de l’équipe ont prodigué quelques soins aux villageois.

La situation est reste bloquée avec les porteurs. Pourtant même le chef du village était intervenu pour calmer les prétentions des jeunes qui exigeaient des tarifs au-delà de ce qu’on peut décemment offrir! Puis à la surprise générale, quelques femmes se sont levées et sont venues à la table des négociations disant clairement qu’elles étaient prêtes à travailler pour la somme que nous proposions. Evrard et Max en ont profité pour dire que si les hommes refusaient de travailler pour le tarif proposé, nous ne prendrions que des femmes! La réaction de fierté ne s’est pas faite attendre : tous les hommes ont rejoint les rangs et ont acceptés les mêmes conditions!

Au total, nous avons embauché 37 porteurs, hommes et femmes pour cette journée de liaison vers notre premier campement. Ensuite, il a fallu ajuster au kilo près les charges de chacun d’eux afin de ne pas dépasser 20 kg par personne.

Le départ a finalement été donné vers midi mais à cause d’un petit cafouillage concernant le paramoteur restant à ranger et à faire porter par deux porteurs, le gros de la troupe a démarré sans Aymeric et Evrard, restés au village. Evrard avait donné les instructions au chef du village et au chef porteur et ne s’est donc pas inquiété de ne pas être devant. Pourtant assez vite à la radio, on a compris que le groupe s’était scindé et que quelques retardataires étaient déjà perdus. Puis le contact a été totalement perdu.

Le dernier groupe emmené par Evrard a quitté le village une bonne heure après les premiers et a pris à toute allure la direction de la rivière Menapanda afin de rattraper la troupe. Après 45 minutes de marche, ils ont rejoint la rivière et s’est arrêté immédiatement. Comment était-il possible de ne voir aucune trace sur les berges alors qu’ils étaient censés être passés à plus de 50 personnes? Aymeric et Evrard ont décidé alors de monter sur les deux collines avoisinantes afin de tenter de reprendre contact par radio avec l’équipe. Retour infructueux pour Evrard sur la colline rive droite tandis qu’Aymeric a réussi in extremis à capter Fredo sur la rive gauche. Il est donc resté au sommet afin de faire la liaison entre les deux groupes. L’ambiance au sein du peloton était très mauvaise apparemment et les porteurs étaient au bord de la rébellion. Il s’agissait donc pour Evrard de les retrouver au plus vite mais encore fallait-il savoir où ils se trouvaient. Au bout d’une demi heure de communication difficile, un nom a été prononcé à la radio. Un coup d’œil sur la carte et Evrard s’est aperçu qu’ils s’étaient complètement trompés de rivière et qu’ils étaient à plusieurs kilomètres au nord de la route normale. Un peu excédé et inquiet de ne pas arriver à la destination prévu le soir, Evrard a pris immédiatement son sac avec une radio et a quitté son petit groupe composé de Mathieu et Nicolas, les deux cadreurs, d’Aymeric et Igor, de Julien et de deux porteurs. Il espérait pouvoir couper facilement à travers bois mais c’était sans compter sur le relief très accidenté de la région et les forêts denses des environs. Finalement il a dû redescendre presque jusqu’au niveau du village pour remonter sur une colline puis une autre et ainsi de suite en plein caniard et sans précision sur la destination. Il a fini par perdre le contact avec Aymeric (qui s’est perdu d’ailleurs aussi en tentant de retrouver la rivière Menapanda) et heureusement par reprendre contact avec le groupe principal à la radio ce qui lui a confirmé qu’il s’en approchait. Cette radio était le seul moyen pour lui de se guider mais en même temps une grande source de stress car Tanguy lui annonçait sans cesse que les porteurs était sur le point de repartir au village et de réclamer de l’argent. Finalement Evrard a rejoint tout le monde après près de 2h de course de montagne par plus de 45°C et après avoir traversé des zones bien désagréables d’arbustes piquants. Il a surgi à quelques mètres du groupe dans le lit d’une rivière sèche complètement épuisé, déshydraté et brulé par quelques plantes urticantes. Fredo et Greg l’ont alors retrouvé et lui ont expliqué qu’il fallait qu’il se montre fort devant les porteurs. Une tâche bien difficile à se moment là!

Après une mini pause pour reprendre un peu de sucre et boire, Evrard a donc houspillé les porteurs et leur propension à n’en faire qu’à leur tête et à ne pas respecter les consignes. Il a refusé de leur augmenter leur salaire en leur disant que s’ils avaient pris le mauvais chemin, ils ne pouvaient s’en prendre qu’à eux-mêmes. Puis il leur a expliqué que la destination était encore loin et qu’il fallait reprendre la route rapidement. Enfin, il leur a demandé de le suivre, ce qu’ils firent sur les 3 kilomètres suivants. Mais rapidement, ils sont devenus à nouveau incontrôlables et ont choisi une nouvelle fois eux-mêmes l’itinéraire. De quoi mettre les nerfs d’Evrard et de Fredo à rude épreuve. Un peu comme des chevaux fous, il fallait sans cesse les calmer, leur hurler dessus afin qu’ils s’arrêtent. Evrard voulait rejoindre le groupetto mené par Igor à qui il avait donné rendez vous mais il lui a été impossible de diriger les porteurs qui prirent une toute autre direction. Il ne restait donc plus qu’à les suivre car leur itinéraire allait aussi les mener au campement mais en beaucoup plus longtemps que prévu, puis à redescendre la rivière pour retrouver Igor. En bref, il s’agissait juste d’accepter de faire un détour énorme et totalement inutile, et surtout d’accepter de laisser tomber momentanément le groupetto en comptant sur l’esprit d’initiative d’Igor.

Le gros de la troupe a donc franchi un joli col avant de redescendre sur la Menapanda mais les retardataires se sont à nouveau perdu, les porteurs ayant tracé leur route sans attendre. Le soir, juste avant la nuit, Evrard a choisi l’emplacement du campement à la confluence de deux rivières sur un terrain un peu surélevé. La pluie s’est mise à tomber pendant la paie des porteurs et tous ont pris la poudre d’escampette. Dès que cela fut fait, Evrard, Fredo et Greg sont repartis à la recherche du groupetto sous une pluie battante et des éclairs impressionnants résonnants entre les parois environnantes. Quelques kilomètres plus en aval, ils ont aperçu quelques frontales sur la berge et ont retrouvé les 5 compères trempés jusqu’à l’os blottis sous une couverture de survie. Ils étaient sur le point de passer une bien mauvaise nuit. Tous sont revenus au camp en pressant le pas car le niveau de la rivière est monté trés vite et la dernière traversée de la Menapanda s’est jouée à quelques minutes, le courant était déjà très fort.

Arrivé au camp, la majorité des gens était déjà couchée. Tout le monde était épuisé et trempé. Une grosse journée pleine de galère suivie d’une mauvaise nuit : cette expédition ne pouvait pas mieux commencer.

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